DÉNI (psychanalyse)

DÉNI (psychanalyse)
DÉNI (psychanalyse)

DÉNI, psychanalyse

Terme utilisé en psychanalyse et qui se distingue notamment de celui de négation et de dénégation (Verneinung ). Le déni (Verleugnung ), ce qu’on peut traduire aussi par «désaveu» ou «répudiation» (cf. le disavowal anglais), est un mode de défense particulier, où le sujet refuse de reconnaître la réalité d’une perception traumatisante tout en la reconnaissant d’une certaine manière.

Verleugnung est utilisé par Freud à partir de 1923 en un sens spécifique, dans des contextes où il est question, directement ou non, de croyances en relation avec la castration. Mis en présence de l’absence de pénis chez la fille, les enfants dénient (leugnen ) ce manque, afin de sauvegarder la croyance en l’existence d’un phallus maternel. Une telle croyance est à la fois conservée et abandonnée: cette attitude irrationnelle et illogique pour la conscience raisonnable n’est possible que selon la loi du processus primaire (l’inconscient ignore la contradiction). Devant cette «inquiétante étrangeté» de l’absence de pénis, le comportement de l’enfant manifeste qu’il croit qu’il y a un membre là où il n’y en a pas. C’est le processus du «malgré tout», du «je sais bien mais quand même», analysé par O. Mannoni (Clefs pour l’imaginaire , Paris, 1969). Dans le déni de la réalité, «la croyance se continue après répudiation» (Mannoni). L’enfant ne doute pas; il sait que le phallus maternel n’existe pas, mais cependant il conserve la croyance en une sorte de présence mystique, magique, invisible de ce phallus. Freud a écrit à ce propos: «On sait comment ils [les enfants] réagissent aux premières impressions provoquées par le manque de pénis: ils nient ce manque et croient voir malgré tout un membre; ils jettent un voile sur la contradiction entre observation et préjugé, en allant chercher qu’il est encore petit et qu’il grandira sous peu, et ils en arrivent lentement à cette conclusion d’une grande portée affective: auparavant, en tout cas, il a bien été là et par la suite il a été enlevé. Le manque de pénis est conçu comme le résultat d’une castration et l’enfant se trouve maintenant en devoir de s’affronter à la relation de la castration avec sa propre personne» («L’organisation génitale infantile», 1923, in La Vie sexuelle , Paris, 1969).

Un tel phénomène vaut aussi bien pour le garçon que pour la fille. Chez l’enfant, il est normal, «ni rare ni très dangereux», dit Freud. En revanche, chez l’adulte, il serait le point de départ d’une psychose. En effet, tandis que le névrosé refoule les exigences internes du ça, le psychotique refuse celles de la réalité extérieure. Le déni porte sur la réalité extérieure, alors que le refoulement, chez le névrosé, concerne les pulsions du ça.

Après 1927, Freud parle du déni en prenant pour exemple le fétichisme. Cette perversion continue chez l’adulte l’ancienne attitude de l’enfant et consiste à vouloir faire coexister les deux affirmations incompatibles: le déni de la castration féminine et sa reconnaissance. La notion de clivage du moi (Die Ichspaltung ) éclaire alors celle du déni (Verleugnung ). Curieusement, ces deux affirmations, dit Freud en 1938, «persistent tout au long de la vie l’une à côté de l’autre sans s’influencer réciproquement» (Abrégé de psychanalyse ). Toutefois, pour bien marquer la différence entre l’attitude de l’enfant et celle du fétichiste, il faut remarquer avec Mannoni que «le fétichiste a répudié l’expérience qui lui prouve que les femmes n’ont pas de phallus, mais il ne conserve pas la croyance qu’elles en ont un, il conserve un fétiche parce qu ’elles n’en ont pas. Non seulement l’expérience n’est pas effacée, mais elle devient à jamais ineffaçable, elle laisse un stigma indélébile dont le fétichiste est marqué à jamais. C’est le souvenir qui est effacé» (Clefs pour l’imaginaire ). Freud écrivait à ce sujet: «[le fétichiste] se refuse à croire au manque de pénis chez la femme, ce manque lui étant très pénible parce qu’il prouve la possibilité de sa propre castration. C’est pourquoi il refuse d’admettre, en dépit de ce que sa propre perception sensorielle lui a permis de constater, que la femme soit dépourvue de pénis et il s’accroche à la conviction opposée. Mais la perception bien que niée n’en a pas moins agi et le sujet, malgré tout, n’ose prétendre qu’il a vraiment vu un pénis. Que va-t-il faire alors? Il choisit quelque chose d’autre, une partie du corps, un objet, auquel il attribue le rôle de ce pénis dont il ne peut se passer» (Abrégé de psychanalyse ).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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